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Quelles tendances influeront sur les organismes de bienfaisance et les OBNL dans le premier trimestre de 2024?

Quelles tendances influeront sur les organismes de bienfaisance et les OBNL dans le premier trimestre de 2024?

L’image montre une rue enneigée avec des voitures garées et une personne traversant la route, sous un ciel couvert.
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Sur notre radar : défis sur le plan des dons, remboursement du CUEC, hausse de la demande due à l’inflation et crise du logement

Au cours de la dernière année, notre série de billets a couvert de nombreux sujets, dont l’immigration, la crise climatique et les difficultés en matière d’assurance. Dans ce premier billet de 2024, nous retournons aux sources et rouvrons des dossiers qui ont grandement influencé le secteur ces dernières années : la pénurie de main-d’œuvre, la hausse de la demande pour les services et les difficultés financières. De plus, nous nous intéressons aux effets de la crise du logement sur le secteur et sa main-d’œuvre.

Nouvelles constatations sur les lacunes dans les compétences de la main-d’œuvre du secteur des OBNL

Selon les plus récents résultats de l’Enquête canadienne sur la situation des entreprises (ECSE), 44 % des OBNL prévoient que les questions de main-d’œuvre demeurent un obstacle dans les trois prochains mois. Même s’il s’agit d’une baisse par rapport aux 50 % atteint au trimestre dernier, ce chiffre demeure élevé1.
 
Entre autres, l’ECSE s’est arrêtée à un aspect particulier relié à la pénurie de main-d’œuvre, soit les lacunes dans les compétences. On a demandé aux employeurs quel pourcentage de leurs effectifs était pleinement compétent pour leur emploi actuel. Seulement 41 % des OBNL communautaires (au service des ménages ou des personnes) indiquent que leurs employé.e.s possèdent 100 % des compétences requises par l’organisation (contre 63 % dans le secteur public et 42 % dans le secteur privé). Un autre 41 % des OBNL communautaires estiment que leurs employé.e.s ont entre 80 % et 99 % des compétences requises, et 18 % disent moins de 80 %2. L’ECSE permet aussi d’en apprendre plus sur la façon dont les organismes entendent composer avec ces lacunes dans les compétences de leur main-d’œuvre. Ils priorisent notamment la formation interne (72 %), la rétroaction donnée aux employé.e.s (52 %), la formation externe (36 %) et le recrutement de nouveaux effectifs ayant les compétences requises (34 %)3.

Malheureusement, l’ECSE n’a pas questionné les employeurs sur les compétences manquantes. Cependant, une préoccupation que nous entendons régulièrement de la part des dirigeant.e.s d’organismes concerne les compétences numériques, liées aux données et aux technologies. Déjà en 2021, un sondage réalisé par CanaDon avait constaté un important écart dans ce domaine. Une majorité des organismes de bienfaisance interrogés avaient alors qualifié leur niveau de connaissances de « acceptable », « peu » ou « aucune » par rapport à 12 des 15 outils technologiques présentés. Pour remédier à cette situation qui s’envenime avec chaque cyberattaque ou progrès en matière d’IA, Imagine Canada travaille actuellement avec plusieurs partenaires pour étudier les lacunes dans les compétences numériques pour ensuite développer et tester de possibles solutions pour améliorer des compétences.
 

La demande pour les services demeure un défi, 17 % de la population canadienne a besoin d’aide du secteur en raison de l’inflation.

Un sondage réalisé en décembre 2023 pour le compte d’Imagine Canada, avec l’appui de BMO, a révélé que 17 % des répondant.e.s avaient personnellement dû faire appel aux services d’un organisme de bienfaisance ou d’un OBNL pour composer avec les effets de l’inflation et de la hausse du coût de la vie. Ce pourcentage a presque doublé depuis l’an dernier lorsqu’il s’élevait à 9 %. Les jeunes, les personnes à faible revenu et les personnes nouvellement arrivées au Canada étaient plus susceptibles d’avoir besoin de l’aide du secteur.
 
Sur le terrain, cette situation se répercute de différentes façons. Ainsi, en Gaspésie, les refuges pour animaux sont à bout de souffle. L’organisme Espoir Câlin, qui a une capacité d’accueil maximale d’environ 200 chats, estime qu’il y a environ 5 000 chats errants dans la MRC du Rocher-Percé. L’épuisement guette les bénévoles qui se sentent coupables de ne pas pouvoir en faire plus. Dans l’ouest du pays, en Alberta, les organismes ont eu de la difficulté à amasser les dons d’argent, de jouet et de nourriture pour la période des fêtes. En même temps, l’organisme Santa Anonymous note que la demande pour ses services a augmenté de 45 % l’an dernier. Ces deux exemples illustrent bien les histoires crève-cœur que nous entendons des organismes du secteur et qui témoignent de leurs difficultés à répondre aux besoins grandissants de leurs communautés.
 
Également chaque trimestre, l’ECSE s’intéresse aux prévisions concernant la demande de services. Au dernier trimestre, 33 % des OBNL prévoyaient une augmentation de la demande dans les trois prochains mois4. Ce résultat s’inscrit dans la tendance des deux dernières années et démontre que la demande a été un défi persistant pour le secteur durant la relance postpandémique. 

Tendances en matière de dons

À la demande de la Coalition pour les données fédérales sur le secteur à but non lucratif, la plus récente ECSE comprenait une série de questions sur les dons. Selon les résultats obtenus, 69 % des OBNL qui reçoivent habituellement des dons rapportent des difficultés dans la recherche de nouveaux.elles donateurs.trices, 58 % affirment que les donateurs.trices ont diminué leurs contributions, et 49 % mentionnent la difficulté de fidéliser les donateurs.trices existant.e.s5. Près d’un tiers des organismes qui rapportent ces défis ont diminué ou envisagent de diminuer leurs programmes et services, démontrant que les difficultés financières ont déjà des répercussions concrètes dans nos communautés. De plus, 17 % des organismes qui peinent à collecter des dons ont déjà réduit ou prévoient de réduire leur personnel, et 33 % ont déjà diminué ou prévoient de diminuer les dépenses autres que pour leurs effectifs. Six pour cent des organismes disent être à risque de cesser leurs activités6.
 
Malheureusement, beaucoup d’organismes s’apprêtent à faire face à un autre défi en matière de dons. Dans son budget de 2023, le gouvernement fédéral a proposé des changements à l’impôt minimum de remplacement (IMR), qui auront pour conséquence d’affaiblir les incitatifs fiscaux pour les dons de bienfaisance pour les personnes à revenu élevé. Selon une analyse (en anglais) préparée par l’Institut C.D. Howe, les changements proposés pourraient se traduire par une baisse de 4 % de la valeur globale des dons de bienfaisance au Canada. Dans le cas des titres cotés en bourse, la baisse pourrait atteindre 22 %. Cela dit, puisque le projet de loi pour adopter ces changements n’a pas encore été déposé, le secteur a toujours la possibilité d’influencer le gouvernement pour faire annuler ces changements.

Date de remboursement des prêts du CUEC : pas de problèmes majeurs prévus pour la plupart des OBNL

Les organismes ayant contracté un prêt du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC) pendant la pandémie ont jusqu’au 31 mars 2024 pour rembourser le montant prêté et profiter d’une remise partielle. Si le prêt n’est pas remboursé à cette date, les organismes détenteurs devront commencer à payer de l’intérêt et perdront la possibilité de bénéficier de la remise partielle. Parmi les OBNL ayant obtenu un prêt du CUEC, 38 % l’ont déjà remboursé, contre 28 % des entreprises, et 85 % prévoient d’être en mesure de le rembourser d’ici le 31 décembre 2026, contre 65 % des entreprises7. Les OBNL sont plutôt réticents à s’endetter (seulement 22 % d’entre eux obtenu un prêt du CUEC, contre 54 % des entreprises)8. On peut donc présumer que les organismes ayant contracté un prêt étaient raisonnablement certains de pouvoir le rembourser. Quelle qu’en soit la raison, la date limite prochaine relative aux prêts du CUEC semble avoir moins de répercussions sur la situation financière dans le secteur des OBNL que dans le secteur privé.

Crise du logement : demande en hausse pour certains organismes et difficultés pour la main-d’œuvre sous-payée du secteur

La crise du logement est un défi économique avec de multiples conséquences sociales et des répercussions évidentes sur les organismes dans les domaines du logement, de l’itinérance et de la lutte contre la pauvreté. L’itinérance prend de l’ampleur et de nombreuses personnes peinent à trouver un logement. Parmi celles ayant un logement, beaucoup paient des loyers au-dessus de leurs moyens, ce qui les oblige à chercher de l’aide pour couvrir les autres besoins de base comme la nourriture et le chauffage. Les OBNL veulent faire partie de la solution. En décembre dernier, 22 Centraide en Ontario ont publié une déclaration commune (en anglais) dans laquelle ils appellent le secteur une « solution intrinsèque » à la crise du logement dans la province. Pour sa part, le gouvernement fédéral, dans son énoncé économique de l’automne 2023, a reconnu le rôle des OBNL dans cette question en annonçant l’ajout d’un milliard de dollars au Fonds pour le logement abordable. Ces fonds devront aider les fournisseurs de logements à but non lucratif, de coopératives et de logements publics à construire des logements abordables. Les acteurs privés continuent de dominer le marché du logement au Canada, mais le rôle des OBNL a un important potentiel de croissance si le gouvernement met en place les conditions favorables.
 
La crise du logement a aussi un effet considérable sur les organismes travaillant auprès des populations immigrantes et réfugiées. L’été dernier, à Toronto, une coalition d’organismes dirigés par des personnes noires a pris l’initiative d’aider à loger temporairement un groupe de 300 demandeurs.euses d’asile qui passaient la nuit à l’extérieur d’un organisme d’itinérance. Ces personnes provenaient majoritairement de pays africains. Le geste posé dans l’urgence, et non comme solution permanente, était accompagné d’un appel au gouvernement d’en faire plus pour soutenir les demandeurs.euses d’asile, surtout ceux.celles de nationalités africaines. Qui plus est, de nombreuses personnes font aujourd’hui un lien entre la crise du logement et l’augmentation récente de l’immigration. Par conséquent, elles réclament des changements aux politiques d’immigration pour prendre le dessus de la crise du logement. Cette situation pourrait attiser des sentiments anti-immigration avec les conséquences négatives qu’on sait sur les immigrant.e.s et sur les organismes qui leur viennent en aide.
 
Enfin, la crise du logement affecte beaucoup de personnes qui travaillent dans notre secteur. Le salaire annuel moyen dans les OBNL communautaires s’élève à 38 716 $, contre 57 137 $ dans l’ensemble de l’économie9. Par conséquent, dans un contexte de crise de disponibilité et d’abordabilité de logements, beaucoup de nos employé.e.s peineront à se loger convenablement à un prix abordable. Cette situation affectera possiblement leur bien-être général et rendra plus probable leur départ du secteur pour obtenir de meilleurs salaires qui leur permettront de joindre les deux bouts.

 

 

 

Statistique Canada, tableau 33-10-0726-01 Obstacles à surmonter par les entreprises ou organismes au cours des trois prochains mois, quatrième trimestre de 2023 & Tableau 33-10-0689-01 Obstacles à surmonter par les entreprises ou organismes au cours des trois prochains mois, troisième trimestre de 2023.

2 Statistique Canada, tableau 33-10-0738-01 Pourcentage des employés de l’entreprise ou de l’organisme qui sont pleinement compétents, quatrième trimestre de 2023.

3 Statistique Canada, tableau 33-10-0739-01 Mesures prévues par les entreprises ou les organismes pour combler les lacunes en matière de compétences ou de personnel au cours des 12 prochains mois, quatrième trimestre de 2023.

4 Statistique Canada, tableau 33-10-0724-01 Attentes des entreprises ou des organismes pour les trois prochains mois, quatrième trimestre de 2023.

5 Statistique Canada, tableau 33-10-0740-01 L’organisme reçoit des revenus sous forme de dons du public et doit relever des défis lorsqu’il cherche à obtenir des dons du public, quatrième trimestre de 2023.

6 Statistique Canada, tableau 33-10-0741-01 Incidences ou incidences prévues liées aux dons, quatrième trimestre de 2023.

7 Statistique Canada, tableau 33-10-0745-01 État du remboursement du prêt provenant du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes et si l’entreprise ou l’organisme prévoit avoir les liquidités disponibles ou l’accès au crédit pour rembourser le prêt d’ici le 31 décembre 2026, quatrième trimestre de 2023.

8 Statistique Canada, tableau 33-10-0744-01 L’entreprise ou l’organisme a reçu un prêt remboursable provenant du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, quatrième trimestre de 2023.

9 Imagine Canada, Notre diversité, notre force, 2022.

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